Lettres aux victimes

La lettre de la Président de l'association Psangana

Cher, très cher lecteurs,

J’aimerais aujourd’hui vous raconter une histoire. Celle qui a donné naissance à ce Hameau. Et, comme toute les histoires mille fois entendues, elle commence ainsi :

Il était une fois… Non, non, non, ce n’est pas ça… Il était des milliers de fois… Non, toujours pas… Il est des milliers de fois… Oui, c’est bien cela… Ou, plus précisément, il est des centaines de fois par jour…

 

Me voilà donc prête à démarrer mon histoire… Et elle commence ainsi :

Il est des centaines de fois par jour. Des centaines de fois par jour. Des centaines de ces histoires…

 

L’histoire de cette petite fille de 4 ans, Amélie, dont l’incroyable éclat de rire et la jouissance absolue de vivre (mais quel Soleil cette Amélie, vraiment !) a été balayée en quelques secondes, un soir de printemps, par les mains d’un vieil oncle venu s’immiscer sous ses draps, dans son petit lit. En quelques secondes, la petite fille est au sol, brisée, figée. Elle a bien tenté d’en parlé, de chercher de l’aide… Si seulement elle avait été crue… Elle se relèvera bien des années plus tard, après tellement de tentatives avortées… Mais avant de se relever, elle aura croisé tellement de maltraitance : ce petit ami qui la frappe, ce psychologue qui ne la croit pas…

Amélie, vous la connaissez… C’est votre voisine, cette petite fille croisée lors d’une promenade, l’amie de vos enfants, la camarade de classe… Celle qui est un peu « à part », que les autres enfants délaissent un peu parce que « elle est bizarre Amélie », elle sourit peu, et un peu « gauche ». Et pourtant, Amélie, si vous saviez combien elle rêve d’avoir des amis ! Non pas pour tout leur dire, oh non… Elle sait qu’elle ne doit pas parler. Mais simplement pour se sentir « normale ». Simplement. Oublier. Et, bien que les amnésie traumatiques soient très fréquentes dans le cas de violences sexuelles, Amélie, elle, n’oubliera pas. Elle aurait tellement aimé.

Et i y a aussi l’histoire de Martin, 8 ans, aspirant archéologue et passionné de chasses aux trésors et aux insectes aux mille couleurs. Martin qui, chaque nuit, doit rejoindre son bourreau dans son lit, et être, dans le silence des draps, son esclave sexuel. Chaque nuit. Sans un seul moment de répits, sans un seul moment de repos. Oh, oui, ses résultats scolaires on un peu juté ces derniers mois, mais « il se rattrapera au prochain trimestre ». De toute façon, son bourreau ne lui laisse pas le choix… Si les notes de Martin ne remontent pas, il lui en en fait la promesse, les sévices redoubleront. Ce bourreau, c’est son père.

Martin, vous le connaissez. C’est cet enfant qui aide la vieille dame à traverser la rue, c’est cet enfant qui attend à l’arrêt de bus. Calme, silencieux, toujours serviable. Mais ne croyez pas totalement son sourire quand vous le croisez, et, surtout, écoutez-le… Car, si son sourire égayent vos journées lorsque vous le croisez dans le couloir, ses nuits à lui sont des abysses de souffrance, dans une solitude indicible, la terreur au fond des trippes. Aujourd’hui, il est debout. Mais, quelque chose dans son sourire n’est plus… Il a 20 ans, et est déjà tellement usé.

C’est aussi l’histoire de Sylvia. 28 ans. Sylvia est institutrice. Professeur des écoles, comme l’on dit aujourd’hui. Adorée par ses élèves, elle leur offre tellement, à chacun ! Personne ne pourrait se douter qu’aujourd’hui, Sylvia fête un « anniversaire » très particulier pour elle. Chaque année, ce jour la hante. Ce jour, vécu il y a 10 ans tout juste aujourd’hui. Lorsque son petit ami, trouvant qu’elle tardait trop à « s’offrir à lui ». Alors, cet après-midi là, il y a 10 ans, il l’a violée. Et, les heures, les jours et les mois suivants, il a recommencé. C’est ainsi que la vie sexuelle de Sylvia a commencé. Un calvaire, une douleur indicible dans sa chair. La rage de « se laisser faire », l’envie de mourir et, au même moment, la peur de mourir sous les menace de cet homme. El le pire, c’est que ce n’était pas sa « première fois ». Non. Alors qu’elle n’était qu’une enfant, c’était alors sa mère qui la forçait à obéir à ses . Lorsque Sylvia a enfin, submergé par une honte déferlante, pu « avouer » tout cela à sa psy, il lui a dit que Sylvia était simplement dans un « schéma de reproduction dont il faudrait sortir maintenant ». Ce propos a balayé avec une violence inouïe le peu d’estime que Sylvia, miette après miette, avait réussi à grapiller en elle-même.

Et puis, il y a aussi Florian. Florian, 40 ans. Heureux en amour, heureux au travail, passionnée de voile, il en a fait son métier, il est instructeur. Il a des amis fidèles et ils aiment rire ensemble et prolonger les nuits d’été. Mais, ce matin, les amis de Florian ne rient plus. Ils pleurent. Florian s’est donnée la mort il y a 3 jours. Il a laissé une lettre. Tout s’explique alors : il y écrit qu’il y a 9 mois, il a été violé par des collègues de travail, après une soirée un peu arrosée. Ils voulait le « viriliser » un peu… Florian n’aura pas survécu. Dans sa lettre, il parle de honte, d’humiliation, de dégoût « qui ne partira jamais ». Et de solitude. D’anéantissement. Et il est désolé, il termine sa lettre en s’excusant de partir…

 

Bien que les prénoms aient été changés, toutes ces histoires sont vraies. Toutes.

Ces histoires, si uniques dans leur souffrance et si admirable dans leur résilience et leur force de vie, partagent en commun la solitude, la douleur, l’angoisse, la peur au ventre. La honte, le silence… Elles partagent l’incroyable et incompréhensible difficulté à trouver un interlocuteur, de l’aide, de l’écoute. Et malgré le travail incroyable de certaines personnes, au sein d’associations, structures publiques ou privées, le manque d’espace spécialisés de soutien, d’écoute, d’accompagnement, de résilience, de ressources, ou tout simplement de repos… fait en France cruellement (voire même criminellement) défaut. La solitude est totale. Tout comme la souffrance, qui ruisselle dans toutes les sphères de la vie des personnes victimes de traumas sexuels.

Ces histoires partagent aussi une (au moins) triple sentence : s’ajoutent à l’agression ou le crime commis (parfois des dizaines de fois), le non soutien de la société avec son silence encore très largement dominant, et l’extrême difficulté et la douleur du parcours qui attends la minorité de victimes qui s’en remettent à la justice.

 

Pour cela, chez Psangana, nous voulons dire à chaque victime : nous vous croyons, vous entendons, vous respectons et vous accueillons. . 

Car, dans le modèle actuel de la société, il s’avère urgent et essentiel d’offrir à ces personnes une véritable Terre d’Asile, hors de portée des coups des agresseurs, des coups de la société. Un Tiers-Lieu, un Eden, véritable écrin de nature construit pour une convalescence douce et profonde. Un lieu au sein duquel chaque personne peut se reconstruire, être soutenue, à son rythme, selon ses besoins. Un lieu de repos et de répit, de ressources et d’envie. Un lieu pour rêver sa vie, réparer son Corps, et construire son propre Eden…

 

Avec notre entier soutien,

Elodie Mas, pour l’Association Psangana